Une Opportunité d'être Meilleur - Chapitre 4 Page 1




Un Grand Spectacle

Mais maintenant que Morganville avait, pour citer la lettre de Carson, cet « ami intéressant », comment le village allait-il aider ? Morganville n'était pas une riche communauté et avait besoin de porter cela à la connaissance de son nouvel ami. Carson dit à McKee :

Fournir du lait à Fèves supposait [qu'il faille récolter] de l'argent. Nous étions économes et avares de dépenses. Nous avions l'habitude de verser des litres de lait dans les abreuvoirs de nos poulets et les auges de nos porcs. [Mais] récolter une centaine de dollars en espèces pour acheter du lait pour de lointains étrangers, ça, c'était quelque chose de nouveau.

Et cependant, nous ne pourrions être amis, ne pourrions nous sentir à égalité avec eux tant que nous n'aurions pas partagé avec eux ce que nous avions.

De gauche à droite : Margretta et Monica, les filles de Nelda, la sœur de Carson, sa fille Cynthia et sa mère Viola, sur le perron de la famille Carson à Morganville

Et comment pourraient-ils lever des fonds ?

Avec une soirée dansante, une soirée glaces ? On était déjà en août, lorsque l'idée émergea d'organiser un spectacle historique. La suggestion la plus importante vint de la mère de Carson. Viola proposa de raconter l'histoire de la fondation et de l'établissement de Morganville, ainsi que les difficultés qu'on avait endurées. Ainsi, tout en apprenant un peu de l'histoire de Morganville, les habitants de Fèves sauraient que ceux de Morganville n'étaient pas riches et avaient, eux aussi, dû travailler dur.

Au final, on décida de faire les trois, le spectacle, la soirée glaces, la soirée dansante, et plus encore. Il y aurait aussi des tours à cheval pour les enfants, des jeux de « penny pitch » - qui consiste à lancer à tour de rôle une pièce sur un mur, la pièce la plus proche du mur étant gagnante - et une diseuse de bonne aventure.

On ne sait pas avec exactitude quand la décision fut prise, mais ce fut quasi certainement peu avant le 12 août, quand l'annonce suivante parut dans le Morganville Tribune, le journal de Morganville :

Festival UNESCO

Un festival sponsorisé par l'UNESCO aura lieu dans le stade municipal de Morganville vendredi 27 août au soir. Le point culminant de la soirée sera un spectacle historique. Il y aura également une soirée glaces. Après le programme se déroulera une soirée de danse. L'orchestre de O.W. Pierson sera en charge de la musique. Les bénéfices couvriront les dépenses engendrées pour l'adoption d'une petite ville française. La plupart de ces dépenses serviront à fournir des céréales et du lait pour les enfants. Le nom de cette petite ville sera annoncé pendant la soirée.

À gauche : carte moderne de Morganville avec l'emplacement de l'église méthodiste, alors comme aujourd'hui. L'emplacement de la maison Carson est également indiqué, mais la maison a été déplacée dans les années 1980. Mill Road était l'endroit où les deux chemins de fer traversaient le village en 1948. Le point rouge est à l'intersection des rues Main et Allen, tandis que le carré noir identifie l'emplacement du Stade mentionné dans l'article de Tribune; à droite : image satellite avec le point rouge et le carré noir aux mêmes emplacements que sur la carte à gauche. Les sièges du Stade sont à droite - la zone courbe - la scène est à gauche, avec une zone herbeuse entre les deux.

La phrase finale de l'article du journal semblait sous-entendre que le village adopté était un secret qui serait révélé pendant le spectacle. Si telle était l'intention, la sélection ne resterait pas secrète bien longtemps dans une ville aussi petite, où tous les membres du comité connaissaient le résultat du vote.

McKee demanda à Carson si certains désapprouvaient ce que faisait le village. Elle répondit :

Oui. Certains nous ont dit : « on a assez de problèmes pour nous, il y a des pauvres ici-même à Clay Center », et nous répondions, « Ils peuvent se tourner vers des organismes humanitaires; là-bas à Fèves ils n'ont rien ». Et il y en avait d'autres qui pensaient que tout cela nous montait à la tête. « Alors, vous en prenez de l'importance avec votre nouveau tapage, hein ? Qu'est-ce que votre minuscule bled va faire de toute cette publicité ? » Mais nous avons simplement continué à travailler.

La tâche à venir était intimidante. Carson avait déjà écrit des pièces auparavant, et avait donc l'habitude des modalités. Mais elle ne pouvait appliquer une grande part de ce qu'elle savait. Normalement, lorsque l'écriture était en grande partie terminée, suivaient la mise en scène, les costumes et l'ajout de musique. Les répétitions allaient révéler des problèmes, et des réécritures pouvaient avoir lieu.

Mais il n'y avait pas de temps pour tout cela. En un peu moins de trois semaines, Carson devait écrire une pièce dans son entièreté. Les costumes devraient être faits avec ce qu'on pourrait trouver dans les placards et les greniers des habitants de Morganville. Young devait rassembler les musiciens et commencer à travailler sur les morceaux avant que le script ne soit complet. Ainsi, des tâches habituellement faites par séquences devaient à la place être terminées en parallèle.

Les deux Velmas avaient l'avantage de savoir que la pièce était censée montrer un lien entre leur village et le monde extérieur. Ainsi, on pouvait utiliser presque n'importe quel costume, de n'importe où dans le monde. La plupart des familles de Morganville n'était éloignée de l'Europe que depuis une ou deux générations, ce qui voulait dire que des robes, ou des chapeaux de ces endroits, qui avaient appartenu aux parents ou aux grands-parents, et conservés comme des reliques familiales, étaient immédiatement disponibles. Carson décrivit le processus à McKee :

Nous sommes allés dans le placard de la chambre d'amis, avons trouvé la robe espagnole qu'une fille de la famille avait portée pour des cours de danse, le kimono qu'un missionnaire avait rapporté de Chine, le chapeau du Mexique, la blouse et les manchons de fourrure de Russie, et nous les avons tous étalés sur le lit de la chambre d'amis [des Carson] pour décider à qui ils iraient le mieux, et ensuite nous les avons appelés. Et il y avait les souvenirs que les garçons avaient rapportés; en nous préparant pour la danse du hula-hula, nous fûmes stupéfaits de voir que presque tous les GI du Pacifique avaient ramené une jupe d'herbe !

Vitrine de l'épicerie des frères Oetinger

Avec si peu de temps à disposition, Carson opta pour quelque chose de familier. Elle accorda le texte de sa pièce au mètre du poème d'Henry Wadsworth Longfellow, « The Song of Hiawatha » - Le Chant de Hiawatha, incontournable dans les écoles américaines du début du vingtième siècle. Son manuscrit original atteindrait plus de 4.500 mots.

Pour encourager les gens à venir, on décida que la pièce serait gratuite. On placerait des boîtes de lait près du stade, pour que les gens puissent donner ce qu'ils voulaient. Un photographe viendrait plus tôt prendre des clichés des acteurs costumés. On espérait que ces clichés puissent être vendus aux interprètes et à leurs familles pour lever des fonds supplémentaires.

Mais alors que le temps passait et que l'excitation augmentait, de plus en plus de gens voulurent s'impliquer. Carson avait estimé que la participation s'élèverait à trente interprètes, mais le chiffre grimpa à 150 du fait de l'implication de gens des fermes environnantes.

À un moment, Carson fit une pause dans l'écriture et envoya un message à Todd :

Quelle preuve avez-vous que ces Français économes ne sont pas tout simplement en train de nous utiliser ? Nous sommes bons et généreux, mais nous avons besoin d'être sûrs ... Nous faisons de la publicité dans tout le comté.

Nous allons avoir un photographe qui prendra des clichés pour les vendre aux « stars » du spectacle. Le premier bébé né à Morganville sera sur scène. Il a soixante-quinze ans !