À bien des égards, cela ressemblait à n'importe quelle autre communauté rurale du Kansas. À une exception près : le Stade.
Le béton était fissuré çà et là, laissant s'implantar quelques mauvaises herbes. Il était là comme un monument silencieux
dédié à quelque chose d'unique qui s'y était passé quelques 65 ans plus tôt.
Freeland et Vaughan quittèrent Morganville ce jour-là avec l'idée qu'ils n'y reviendraient jamais. C'était bien une histoire
exaltante, mais leur véritable intérêt était pour Velma Carson, la femme qui avait écrit les 4.500 mots du script en deux
semaines.
La scène dans le Stade. Pendant la représentation, les « vieux colons » étaient assis sur des chaises placées derrière l'encoche du mur à droite.
Le département où travaillait Freeland était intéressé par l'histoire de Carson parce qu'elle était diplômée de la KSU, spécialisée
dans ce domaine, et avait eu une carrière d'écrivaine très réussie. Les documents donnés à l'université par son gendre, Gould
Colman, pouvaient fournir suffisamment de matériel pour écrire un livre. On en saurait plus après lui avoir rendu visite chez lui
à Ithaca, New York début septembre.
À la fin du mois de juillet, le couple partit pour ses vacances annuelles dans les forêts du nord du Wisconsin. Là, la
correction des récits sur les villages se poursuivit. Le 7 août, ce qu'ils pensaient être la version finale de l'histoire de
Morganville était achevée.
Mais par un heureux hasard, leur fille Katherine devait se rendre en France le printemps suivant en tant que membre de la chorale
du KSU. Vaughan et Freeland avaient prévu d'accompagner le groupe et trouvaient que ce serait amusant de faire un détour par
Fèves. Ils pourraient satisfaire leur curiosité sur le village français par une courte visite, tout comme ils l'avaient fait à
Morganville.
Cependant, trouver des informations sur le village s'avéra plus compliqué que prévu. Alors que son nom est d'origine
romaine, au fil des années de petits changements d'orthographe avaient changé le nom du village en synonyme du mot français
« fèves ». En cherchant « Fèves » sur Internet, on ne tombait que sur des recettes en français avec la
légumineuse !
Fèves au lard. À quoi servait le couteau ?
Un site Web du village fut finalement trouvé et Vaughan commença à regarder les différentes pages. Ni Freeland ni Vaughan ne parlent
français, mais la curiosité le poussa à continuer. Ayant repéré une adresse e-mail, il décida d'envoyer un court message en
anglais, demandant si quelqu'un se souvenait de leur village jumeau dans le Kansas.
Mais aucune réponse ne vint. Environ une semaine plus tard, il essaya à nouveau. Il n'y eut toujours pas de réponse. Après
avoir envoyé un troisième message, il décida que toute nouvelle tentative serait faite en français.
N'ayant toujours reçu aucune réponse le 21 août, il avait prévu d'écrire à sa nièce le lendemain matin. Elle parlait couramment le
français et il lui demanderait de composer un message pour lui. Il fut donc totalement surpris le lendemain de trouver le message
suivant en ouvrant sa boîte e-mail.
Cher M. Vaughan,
Je m'appelle Hervé Torlotting et je suis le fils de Gérard Torlotting résidant à Fèves en France. J'habite à Houston, au Texas,
mais je rendais visite à ma famille à Fèves lorsque vous avez envoyé votre message demandant des informations sur M. Torlotting
Henri, l'instituteur de l'école. Mon père Gérard est en fait le neveu de feu Henri Torlotting et le petit garçon en costume sur
la photo que vous avez probablement dans vos archives.
Mon père est maintenant le premier adjoint au maire. Le maire et mon père sont intéressés à l'idée d'entrer en contact avec vous et
peut-être à discuter davantage de la relation entre Morganville et Fèves. Nous avons quelques photos qui pourraient vous
intéresser. Vous en avez peut-être aussi. ...
Meilleures salutations,
Hervé Torlotting pour le compte de Gérard Torlotting
L'intérêt de Freeland et Vaughan a bondit ! Non seulement ils avaient trouvé le village, mais des personnes qui avaient été impliquées
dans le jumelage étaient disponibles et également intéressées. Et Hervé pourrait faciliter les communications.
Plusieurs éléments convergèrent rapidement, indiquant que l'histoire des deux villages n'était pas complète. Pendant leur
visite chez les Colman en septembre, ils virent l'affiche du programme de Haney sur la table de la salle à manger. Les
Colman s'étaient intéressés à la reprise de l'histoire par Haney en 1994.
Plus tard, de retour au Kansas, en inspectant les dons que Colman avait faits aux collections spéciales de l'université, on découvrit un grand nombre de choses liées au spectacle, tels que le carnet des activités, des lettres et des reçus pour l'envoi de vêtements et de nourriture.
Télégramme de Todd concernant son voyage à Wichita en 1949 trouvé dans les papiers de Carson. Traduction : Si possible, veuillez guider nos amis Dr Jean Falaize et sa fille dans Saint-Louis Missouri avec conseil pour séjour par retour de câble – Dr Franz Arzt numero 5 Ladue Acres Clayton 24 MO
Au début du mois d'octobre, Vaughan ne savait toujours pas s'il valait mieux considérer le récit des villes sœurs comme une
histoire à part entière ou seulement comme une partie de la vie de Carson. Mais il était certain que le moment était venu
d'organiser les faits de manière à ce qu'ils soient facilement accessibles. Cela prit la forme d'un site Web. Il décida de
se baser sur la version du livre de McKee datant de 1955, en ajoutant des annotations libres pour expliquer les références
qui seraient devenues archaïques ou auraient été oubliées au cours des décennies passées. Des informations supplémentaires
furent trouvées dans un classeur de Haney contenant des photocopies de tous les articles du Morganville Tribune mentionnant le
spectacle ou la relation avec Fèves.
Mais un courriel du 28 octobre marqua un tournant. Il devint tout de suite évident que l'histoire des villes sœurs était une
histoire distincte. Ce message venait d'Hervé et était adressé à Vaughan et à Utley.
Bonjour Art, Mark,
Mon père sera ici en décembre pour un mois et il pense faire un voyage en voiture jusqu'à Morganville. S'il me le confirme, je
pourrai organiser ça à la fin du mois de décembre.
La grande question est de savoir s'il y a des gens à Morganville se souvenant du partenariat passé des villes ... et qui soient
intéressés de le rencontrer.
Merci,
Hervé Torlotting
Des moments excitants ! Pas une seule fois depuis le spectacle - ou probablement aussi avant - quelqu'un de Fèves n'avait
rendu visite à sa sœur américaine. Et là, cela pourrait arriver deux mois plus tard.
Un coup de téléphone à Haney amena à de l'excitation de son côté. Une histoire qu'elle avait longtemps soutenue retenait de nouveau
l'attention. Elle téléphona immédiatement à Nancy Johnson, une habitante de Morganville qui, d'après elle, pourrait aider à
organiser une réception. Nancy avait déjà accepté à la fin de l'appel.
Après de nouveaux courriels et appels téléphoniques, il fut décidé que cela se passerait le 29 décembre. Haney commença tout de
suite à contacter les médias locaux. Twin Valley, le fournisseur de câble local, accepta de faire une vidéo de l'événement.