Vue en direction du nord, depuis l'intersection de Morganville Main Street et de Johnson Street dans des photos de 1948 (à gauche) et 2013.
Alors que Carson devait écrire une pièce de 4.500 mots en environ deux semaines, trouver et choisir des costumes, aider au choix de
la musique, trouver du matériel son et lumières, assurer la promotion et aider à une multitude d'autres détails, elle suivait aussi
un traitement pour des problèmes de cataracte. Pour faciliter la lecture, elle s'asseyait souvent près d'une fenêtre, où les rayons
du soleil tombaient directement sur la page. Il n'est donc pas étonnant que le manuscrit final ne contienne guère plus que le texte
essentiel de la narratrice. Une des quelques exceptions se trouve au tout début : « Lumière sur Mme S.A. Anderson. Scène
quasiment dans le noir (musique douce au piano) ».
Le manuscrit, intitulé « Message to Fèves », fut élaboré dans plusieurs buts. L'un était de divertir. Raconter l'histoire de
la naissance de Morganville satisferait à la fois la curiosité de ceux qui allaient bientôt devenir des amis français, et, très
certainement, celle des jeunes de Morganville. Pour les générations plus âgées, ce serait un voyage vers le passé.
Mais Carson voulait aussi contrer l'effet des films hollywoodiens diffusés à l'étranger pendant la Grande Dépression des années
30. Ils avaient donné à beaucoup d'Européens l'impression que la plupart des Américains étaient riches. Elle voulait que les
habitants de Fèves connaissent les difficultés auxquels ceux de Morganville avaient fait face, les tornades, les inondations et
les amérindiens. Elle voulait que les habitants de Fèves comprennent que ceux de Morganville étaient, à bien des égards, tout
simplement comme eux, à l'exception des malheurs de la récente guerre. Et elle voulait qu'ils sachent que, de la même façon que
les habitants de son petit village des Grandes Plaines avaient souffert et fini par prospérer, les gens de Fèves y parviendraient
aussi.
Il était aussi important d'insister sur le fait que le monde était devenu très interconnecté. Cela montrerait aux voisins de
Carson pourquoi ils devaient se préoccuper de ce qui se passait à l'autre bout du monde, tout en permettant aux habitants de
Fèves de savoir pourquoi ces gens, dans le Kansas lointain, tendaient la main. Elle y parvint en mentionnant par exemple que
tout le monde, alors, utilisait des produits comme le café, le thé, le chocolat et le caoutchouc qui venaient de très loin.
La guerre, à un continent de là, pouvait avoir des conséquences sur Morganville. Dans ses entretiens avec McKee, Carson remarqua :
« Pendant quelques temps, au cours de la première guerre mondiale, nous avons eu une politique isolationniste, mais la guerre
nous a atteints et nous a trouvés de toute façon. Pendant la deuxième, il n'y eut pas un théâtre de guerre où la vie d'un
habitant de Morganville ne fut pas en jeu. Quatre ne sont jamais revenus ».
La pièce de Carson commença par la description de ce à quoi ressemblait la région avant l'arrivée des premiers colons blancs, montra les animaux, à une époque chez eux dans le comté de Clay, et comment les choses avaient changé alors que les colons arrivaient, amenant leurs cultures et leurs compétences d'endroits variés. Et après avoir raconté comment Morganville avait fini par prospérer, elle la compara à la ville adoptée, et demanda ensuite comment, en bons chrétiens ou simplement en tant qu'êtres humains, pourraient-ils rester insensible à l'inégalité.
Les enseignes de la bière de Metz dans le café-restaurant West Side n'avaient pas de lien avec l'adoption (de Fèves), mais font référence à une brasserie à Omaha, dans le Nebraska.